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10 juillet 2006 1 10 /07 /juillet /2006 17:48

Quelque soit le régime matrimonial adopté par les époux au moment du mariage, la loi a prévu un tronc commun de règles applicable par le seul effet du mariage appelé « régime primaire ».

Il s’agit de dispositions d'ordre pécuniaire définies aux articles 216 à 226 du Code Civil  constituant un statut impératif auquel il est impossible de déroger et qui ont pour effet de mettre en place une direction conjointe de la famille et une solidarité des époux pour les dépenses indispensables.

L’article 220 du Code civil dispose ainsi que chaque époux peut passer seul les contrats « qui ont pour objet l’entretien du ménage où l’éducation des enfants » et que, vis-à-vis des tiers : « toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement ».

En d’autres termes, si l’époux qui a passé le contrat ne l’exécute pas, notamment en ne payant pas le prix convenu, le créancier peut s’adresser directement à son conjoint pour lui en réclamer le paiement.

Il suffit pour cela que la dette soit bien de nature ménagère et qu’elle ne soit pas manifestement excessive « eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant. »

Si ces deux conditions sont remplies le créancier pourra alors poursuivre le conjoint sur ses biens propres, quelque soit le régime matrimonial adopté par les époux. A défaut le créancier ne pourra que poursuivre l’époux co-contractant sur ses biens personnels et sur les biens communs en cas de mariage sous le régime de la communauté.

Cette notion de dette contractée pour l’entretien du ménage a donné lieu à d’abondantes décisions de justice. Sont ainsi considérées comme dettes ménagères les loyers ou charges de copropriété relatifs au logement familial, l’achat d’un véhicule, les cotisations aux organismes sociaux, etc.

Plus étonnante est la qualification de dette ménagère que vient d’adopter la Cour de Cassation dans un arrêt en date du 10 mai 2006 (03-16593) concernant les frais dentaires exposés par l’un des époux.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, interrogée sur le fait de savoir si des frais de soins dentaires pouvaient être considérés comme une dette ménagère au sens de l’article 220 du Code Civil, avait logiquement répondu par la négative.

Son arrêt est cependant cassé par la Cour de Cassation au motif suivant :

« … les soins dentaires dispensés à un époux constituent des dépenses engagées pour l'entretien du ménage et qu'il appartenait à son conjoint, qui entendait écarter la solidarité, d'établir que la dépense était manifestement excessive eu égard au train de vie du ménage et à l'utilité de l'opération… »

On ne peut qu’être dubitatif à la lecture d’une telle décision qui assimile à l’entretien du ménage, l’entretien bucco-dentaire d’un époux !

Il faut sans doute en déduire que l’ensemble des dépenses de santé contractées par l’un des époux engage l’autre solidairement. Voilà là une interprétation bien libre de la notion dépenses engagées pour l’entretien du ménage.

La Cour rappelle cependant l’exception tirée de l’utilité de l’opération. Cela promet de savoureuses discussions en matière de dépenses de chirurgie esthétique !

(Publié le 10/07/2006 par Pierre FERNANDEZ, Avocat à Paris)


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23 mai 2006 2 23 /05 /mai /2006 11:12

Qui n’a pas un jour reçu dans sa boîte aux lettres un courrier lui certifiant être l’heureux gagnant du premier lot d’exception d’un jeu-concours auquel il n’a jamais participé.

La suite est connue.

Une fois lue plus attentivement la prometteuse missive, le gros 4x4 ou sa contre-valeur en euros d’un coup s’évanouissent. Ceux-ci n’étaient en réalité que potentiellement gagnables sous condition de s’inscrire et d’être tiré au sort.

Des personnes manifestement plus mauvaises perdantes que d’autres, ont eu l’idée d’engager des procédures contre les organisateurs de ce type de jeux concours.

C’est ainsi qu’au court des dernières années une jurisprudence s’est instaurée en la matière, jurisprudence dont un bon exemple nous est donné par un récent arrêt de la Cour d’Appel de PARIS en date du 7 avril 2006.

En l’espèce un organisateur de jeu publicitaire avait eu l’ingénieuse idée, croyait-il, d’entretenir une confusion entre les deux sens du mot règlement. Le destinataire du courrier était ainsi persuadé de recevoir le règlement du gain annoncé, alors qu’en fait il s’agissait de recevoir simplement le règlement du jeu !

Vraisemblablement mécontent de ne pas avoir véritablement gagné, un des destinataires du courrier a engagé une procédure judiciaire à l’encontre de l’organisateur afin d’obtenir sa condamnation en paiement du fameux règlement du gain malicieusement annoncé.
 
La Cour d’Appel a accueilli cette demande en reprenant la motivation de principe suivante dégagée par la Cour de Cassation :

« L’organisateur d’un jeu publicitaire qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence, à première lecture, l’existence d’un aléa, s’oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer. »

Le juge s’attache donc à apprécier le caractère affirmatif et dénué de toute condition du courrier annonçant son gain au destinataire.

A défaut de précaution suffisante dans la formulation de l’annonce, l’organisateur est considéré comme ayant promis de régler le gain au destinataire et doit, de ce fait, tenir son engagement.

Le plus délicat a été de déterminer le fondement juridique sur lequel asseoir cette obligation de paiement du lot promis.

Dans un premier temps, les juges avaient sanctionné les organisateurs de ce type de jeux concours et/ou publicitaires sur la base de la responsabilité délictuelle et plus particulièrement de l’article 1382 du Code Civil aux termes duquel :

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. »

Ce texte pouvait paraître approprié, en l’absence de tout lien contractuel entre les parties.

Mais il a été écarté par la Cour de Cassation réunie en chambre mixte le 6 septembre 2002 dès lors que, non seulement les organisateurs n’avaient manqué à aucune obligation légale, mais surtout, ce fondement aurait permis aux organisateurs de s’en tirer à bon compte, ce texte ne permettant d’indemniser la victime qu’à concurrence du préjudice réellement subi et démontré.

Cette analyse mérite l’approbation en ce sens qu’à l’exception d’un préjudice moral difficilement quantifiable, le destinataire du courrier annonçant le lot prestigieux n’avait pas vraiment subi de dommage.

Pour autant, la Cour de Cassation a eu à cœur de sanctionner le procédé abusif utilisé par les organisateurs de jeux concours et publicitaires.

Pour y parvenir, la Cour de Cassation a préféré retenir comme fondement l’article 1371 du Code Civil, selon lequel :

« Les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l’homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties. »

L’adéquation de ce texte aux jeux concours n’est guère évidente.

En effet, ce texte vise, en réalité, différentes hypothèses, dans lesquelles une personne va générer volontairement un avantage au profit d’une autre personne qui va se trouvée enrichie, sans l’accord préalable de cette dernière.

Sur la base de l’article 1371 du Code Civil, la première peut alors solliciter sinon le remboursement des sommes exposées, du moins une indemnisation à dû concurrence de l’enrichissement de la seconde.

Ainsi, le droit tend à rétablir l’équilibre en obligeant le bénéficiaire à indemniser son bienfaiteur des dépenses et autres dommages occasionnés par son action, sous certaines conditions strictement définies par le Code Civil, au nombre desquelles ne figurent pas les jeux concours.

Et pour cause : on voit mal où est l’avantage procuré dont il doit être obtenu indemnisation.

C’est pourtant l’habillage juridique imaginé par la Cour Cassation qui permet aujourd’hui d’obliger les organisateurs des jeux concours et publicitaires à assumer leurs engagements et à donner le lot promis au destinataire : à malin, malin et demi !

(Publié le 23 mai 2006 par Pierre FERNANDEZ, Avocat à Paris)


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31 mars 2006 5 31 /03 /mars /2006 16:15

« On est jamais mieux servi que par soi même » dit le proverbe.

Rien n’est moins sûr d’un point de vue juridique ainsi que nous l’enseigne un arrêt de la Cour de Cassation en date du 11 janvier 2006 (n°04-20.142)

Il s’agissait d’un litige opposant un locataire à son bailleur. Des travaux incombant au bailleur tenu d’assurer la jouissance paisible de la chose louée à son cocontractant devaient être effectués d’urgence.

Devant l’inertie de son bailleur et ne pouvant plus attendre, le locataire a fait exécuter lui-même ces travaux puis a assigné son propriétaire pour obtenir le remboursement de leur coût. Devant la Cour d’Appel il obtient gain de cause.

Pourtant l’arrêt est cassé par la Cour de Cassation au visa de l’article 1144 du Code Civil, au motif que :

« …en l’absence de mise en demeure adressée à la bailleresse d’avoir à effectuer les travaux et de décision de justice autorisant le preneur à les faire exécuter, la S.C.I (bailleresse) n’était pas tenue d’en supporter la charge. »

Cette solution pourrait paraître choquante du strict point de vue de l’équité. Voilà en effet un bailleur qui ne remplit pas ses obligations et qui au final va bénéficier gratuitement des travaux réalisés par son locataire !

Mais, cet arrêt est cependant parfaitement motivé d’un point de vue juridique.

En matière d’obligation de faire (par exemple réaliser des travaux, accomplir une prestation, etc) le droit part du principe civilisé que l’on ne peut pas contraindre physiquement le débiteur à s’exécuter.

C’est pourquoi, le manquement à ce type d’obligation ne peut se résoudre que par l’octroi de dommages intérêts au profit du créancier lésé.

Toutefois, l’article 1144 sur lequel est fondée la décision commentée propose une alternative notable à ce principe puisqu’il prévoit que :

« Le créancier peut aussi, en cas d’inexécution (d’une obligation de faire), être autorisé à faire exécuter lui-même l’obligation au dépens du débiteur. Celui-ci peut être condamné à faire l’avance des sommes nécessaires à cette exécution. »

Dans le cas de notre locataire, celui-ci avait donc le choix entre demander :

- des dommages intérêts en réparation du préjudice causé par la défaillance de son bailleur,

- à être autorisé par le juge à faire exécuter les travaux et ce, après avoir vainement mis en demeure son bailleur de les faire.

C’est précisément sur le fondement de l’absence de cette autorisation que la Cour de Cassation le déboute de sa demande en remboursement.

Le locataire aurait dû préalablement adresser une mise en demeure de s’exécuter à son bailleur, puis saisir le juge des référés d’une demande d’autorisation pour faire exécuter les travaux.

Cette double condition de la délivrance d’une mise en demeure et de la saisine préalable du juge peut sembler inappropriée en cas d’urgence, mais elle est nécessaire à la garantie d’une mise en œuvre du contrat de bonne foi.

En effet, le bailleur n’habitant pas dans les lieux, seule la mise en demeure permet de vérifier qu’il est informé de la nécessité de faire des travaux. En outre, la saisine du juge en cas de carence du bailleur permet de s’assurer que les travaux faits sont bien ceux qui sont strictement nécessaires.

L’article 1144 du Code Civil ne fait donc que consacrer l’adage selon lequel nul ne peut se faire justice à lui-même.

(Publié le 31 mars 2006 par Pierre FERNANDEZ, Avocat à Paris)


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6 janvier 2006 5 06 /01 /janvier /2006 15:41

Une des dispositions fondamentales du droit civil est prévue par l’article 1134 alinéa 3 du Code Civil qui dispose que les conventions « doivent être exécutées de bonne foi ».

Cela signifie que les parties à un contrat ont une obligation de loyauté l’une envers l’autre : elles ne doivent pas faire preuve de malice en se retranchant derrière une application à la lettre de la convention ou au contraire en profitant des lacunes du contrat.

Cette obligation d’exécution de bonne foi, principalement sanctionnée par l’allocation de dommages intérêts, s’impose à tous les stades du contrat.

Ainsi, au niveau précontractuel lors des pourparlers, une partie peut engager sa responsabilité pour manquement à son obligation de bonne foi, si parallèlement elle négocie avec un tiers et contracte finalement avec lui ; et ce même si formellement elle n’était engagée par aucune clause d’exclusivité.

De même, au cours de l’exécution du contrat, un employeur engagerait sa responsabilité s’il mettait en œuvre une clause de mobilité en affectant son salarié à un secteur géographique plus éloigné, non pas dans l’intérêt de l’entreprise, mais dans celui de nuire à son employé. Tout comme un taxi pourrait être condamné à indemniser son client s’il le conduisait à bon port mais en choisissant délibérément l’itinéraire le plus long possible afin d’augmenter le prix de la course.

Enfin, l’obligation d’exécuter le contrat de bonne foi doit être respectée lorsque l’on veut  mettre fin à la relation contractuelle, notamment par la mise en œuvre d’une clause résolutoire prévue à la convention.

Cette clause doit, elle aussi, être mise en œuvre de bonne foi, sous peine d’inefficacité ou de condamnation à des dommages et intérêts notamment lorsque le créancier y a recours pendant les vacances d’été où dans des conditions telles qu’il sait parfaitement que son débiteur ne pourra y répondre favorablement. 

L’obligation d’exécution de bonne foi doit donc être respectée tout au long de la vie du contrat. Mais quand est-il lorsque ce contrat n’existe plus ? C’est à cette question que la Cour de Cassation a été amenée à donner une réponse dans un arrêt du 14 septembre 2005 (n°04.10856).

Dans cette affaire, une promesse de vente d’un immeuble occupé avait été passée sous condition suspensive que la maison soit libérée par les locataires au jour de la vente par acte authentique. Mais, au jour dit, les locataires étant toujours là, les bénéficiaires de la promesse n’ont pas acheté l’immeuble puisque la condition n’était pas réalisée : la promesse était donc caduque.

Or, postérieurement, les locataires ayant finalement quitté les lieux, les propriétaires ont trouvé un nouvel acquéreur à qui ils ont finalement vendu l’immeuble pour un meilleur prix.

Apprenant la vente de l’immeuble convoité, les bénéficiaires de la promesse ont alors assigné les vendeurs en paiement de dommages et intérêts pour avoir manqué à leur obligation d’exécuter la promesse de bonne foi. Selon eux, ils auraient dû être contactés après le départ des locataires afin de pourvoir soumettre une nouvelle proposition de vente.

Cette demande est accueillie par la Cour d’Appel d’ANGERS, dont l’arrêt est cependant cassé par la Cour de Cassation qui pose comme principe :

« …que l’obligation de bonne foi suppose l’existence de liens contractuels et que ceux-ci cessent lorsque la condition suspensive auxquels ils étaient soumis a défailli… »

Cette motivation doit être approuvée.

Une obligation contractuelle, quelle qu’elle soit d’ailleurs, n’existe et ne doit être respectée que pour autant qu’elle repose sur un contrat lui-même existant.

L’obligation d’exécuter le contrat de bonne foi n’échappe pas à ce principe de bon sens. Dès lors que le lien contractuel n’existe plus, les parties ne sont plus tenues au devoir de loyauté contractuel.

Dans le cas susvisé, la solution aurait été différente si les vendeurs promettant avaient été à l’origine du maintien des locataires dans les lieux dans le but de faire échouer la condition suspensive et de rendre caduque la promesse. Ils auraient alors effectivement manqué à leur obligation d’exécuter la promesse de bonne foi.

Le Code Civil prévoit même une parade bien précise à ce type de comportement en son article 1178 : « La condition est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché son accomplissement. »

En d’autres termes, si la défaillance de la condition est due à la mauvaise foi d’une partie, cette condition est réputée réalisée, et le contrat peut ainsi produire tous ses effets.

(Publié le 5 janvier 2006 par Pierre FERNANDEZ, Avocat à la Cour)


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23 novembre 2005 3 23 /11 /novembre /2005 07:45

Il n’est pas rare, dans le cadre d’un procès, de voir une nouvelle personne se substituer au demandeur initial pour demander la condamnation du défendeur à son profit : c’est le mécanisme classique de la subrogation.

Tel est le cas, lors d’une fusion de société, où l’absorbante remplace l’absorbée et reprend en son nom les actions engagées par cette dernière et toujours en cours.

Tel est le cas également, lorsque des créanciers institutionnels, type banques ou assurances, décident de céder un portefeuille de créances douteuses.

La plus part du temps ces portefeuilles de créances sont rachetés (ou apportés dans le cadre d’apports partiels d’actifs) à des prix inférieurs au montant des créances cédées compte tenu du fait que ces créances font l’objet de contentieux.

Or le droit n’aime pas que l’on spécule sur son dos.

Aussi a-t-il été mis en place un mécanisme ancien, dit « retrait litigieux » à l’article 1699 du code civil :

« Celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s’en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts… » 

Ce texte permet ainsi à la partie défenderesse au procès, d’offrir à celui ayant acheté le droit litigieux de son adversaire, de mettre un terme à ce procès simplement en lui remboursant le prix qu’il a payé au cédant.

Cela peut être particulièrement intéressant lorsque la créance a été cédée à bas prix. En effet, en remboursant le prix modique de la cession de créance, le débiteur se trouvera entièrement libéré de sa dette initiale.

Un arrêt récent de la Cour de Cassation en date du 12 juillet 2005 (n°02-12451) illustre parfaitement le mécanisme.

La société VOLKSWAGEN avait assigné en paiement d’une somme de plus de 40.000 € deux époux qui avaient contracté un emprunt destiné à financer la location-vente d’un véhicule. En cours de procédure, la société VOLKSWAGEN avait cédé à une société de recouvrement un portefeuille de créances, parmi lesquelles figurait celle des emprunteurs.

Ceux-ci ont alors invoqué les dispositions de l’article 1699 du code civil et demandé à la société de recouvrement cessionnaire de leur créance de leur justifier du prix de rachat réellement payé à la société  VOLKSWAGEN et des « frais et loyaux coûts » y afférents.

La Cour d’Appel n’a pas tenu compte de cette demande au motif que la société de recouvrement avait acheté son portefeuille de créances pour un prix global et qu’il lui était donc impossible de préciser pour quel montant particulier la créance litigieuse avait été cédée.

L’arrêt qui fait droit à la demande de condamnation formée par la société de recouvrement est cependant cassé pour violation des dispositions de l’article 1699 du Code Civil par la Cour de Cassation.

La Haute Cour estime que la société cessionnaire devait justifier du prix auquel elle avait racheté la créance pour permettre aux emprunteurs de proposer le remboursement de ce rachat, dans le cadre du retrait litigieux.

Si sur le principe cette décision doit être entièrement approuvée, il est en revanche permis de s’interroger sur sa portée.

En effet, de toute évidence la société de recouvrement qui a acquis un portefeuille de créances pour un prix global, ne pourra davantage justifier du prix individuel de rachat de la créance litigieuse devant la Cour de renvoi.

Faut-il en déduire que sa demande ne pourra qu’être rejetée sur le fondement de l’article 1699 ?

Non selon la doctrine qui semble estimer qu’il appartient alors au juge de déterminer lui-même le prix de la créance en cause par rapport au prix global payé pour acquérir l’intégralité du portefeuille.

Pour autant, à notre connaissance, la jurisprudence n’a pas réellement tranché cette question, à tout le moins de façon récente.

Il sera donc intéressant de suivre la position qu’adoptera la Cour de renvoi, position qui pourrait conduire à imposer une ventilation systématique et détaillée de chaque créance litigieuse en cas de cession de portefeuille ou d’apport partiel d’actifs.

(Publié le 23/11/05 par Pierre FERNANDEZ, Avocat à la Cour)


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4 novembre 2005 5 04 /11 /novembre /2005 00:00

La loi d'orientation des transports intérieurs dite « loi Loti » du 30 décembre 1982, a prévu l’instauration, par décret, de contrats types de transport.

Ces contrats types sont destinées à régir les transports routiers de marchandises à défaut de convention écrite définissant les rapports entre les parties.

Ils contiennent systématiquement une clause de limitation de responsabilité visant à plafonner le montant d’indemnisation du client en cas de perte ou de vol de la marchandise transportée, ou encore en cas de retard dans la livraison.

Cette limitation habituelle de la responsabilité du transporteur s'explique par les aléas propres au transport, par ses contraintes spécifiques et par son coût, une responsabilité sans limite du transport risquant de provoquer un surenchérissement de l'assurance.

On retrouve d’ailleurs cette limitation du droit à réparation au niveau international, notamment avec la Convention "CMR" de Genève du 19 mai 1956 sur les transports internationaux de marchandises par route. 

De façon générale, il est ainsi prévu qu’en cas de non acheminement de la marchandise dans les délais, l’indemnisation du client est limitée au prix du transport. En d’autres termes quelque soit son préjudice, et notamment en cas de perte de marchandises de valeur, le client ne peut obtenir que le remboursement du prix du transport.

L’application de ces clauses limitatives connaît cependant une exception d’importance : conformément aux dispositions de l’article 1150 du Code Civil, le plafond d’indemnisation ne joue pas en cas de faute lourde du transporteur.

Ce n’est donc qu’à condition de rapporter la preuve de cette faute lourde que le client pourra être entièrement indemnisé de son préjudice.

Aux termes d’un arrêt en date du 28 juin 2005 (n°03-20744) la Cour de Cassation est venue donner la définition suivante de la faute lourde :

« …négligence d’une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l’inaptitude du transporteur, maître de son action, à l’accomplissement de la mission contractuelle qu’il a acceptée »

A la lecture d’une définition aussi restrictive on pourrait penser que les cas de fautes de lourdes du transporteur sont rarement reconnus.

Il n’en est rien.

Dans l’arrêt précité, la Cour de Cassation a ainsi considéré comme une faute lourde, le fait pour le transporteur, victime d’un accident de la route, d’avoir, au moment de cet accident, roulé à 60 km/h au lieu des 50 km/h autorisés.

Dans un arrêt précédent en date du 30 juin 2004 (03-11629), un transporteur s’était fait dérober sa marchandise alors qu’il se reposait la nuit sur une aire de stationnement non éclairée en bordure de route. La Cour de Cassation a encore retenu sa faute lourde pour ne pas avoir stationné sur l’aire éclairée de la gare routière la plus proche !

Ce qui choque en premier lieu, c’est de voir la Cour de Cassation, juge du droit, s’ériger en juge des faits et apprécier au cas par cas si la faute commise est lourde ou ne l’est pas.

En second lieu, il nous apparaît manifeste que les fautes reprochées aux transporteurs dans les deux arrêts susvisés ne semblaient pas mériter la qualification de faute lourde, à tout le moins au regard de la définition très stricte qu’en donne la Haute Juridiction.

Cette position particulièrement sévère de la Cour de Cassation est d’autant plus critiquable qu’elle semble loin d’être homogène au regard d'autres de ses décisions.

Ainsi dans son arrêt du 22 avril 2005 (n°02-18326) dit « Chronopost » la Cour, statuant en chambre mixte, a considéré que la société CHRONOPOST, spécialiste des livraisons rapides et rémunérée comme telle, n’avait pas commis de faute lourde en étant incapable d’expliquer à son client pour quel motif son pli était arrivé avec deux jours de retard.

Il est à noter que dans cette affaire l’avocat général avait pourtant, dans son avis, plaidé en faveur de la faute lourde de la société CHRONOPOST. En effet la faute commise remettait en cause l’obligation essentielle du contrat, à savoir un engagement de livraison dans un temps très court. A cela s’ajoutait le fait de ne pas être en mesure de s’expliquer sur les causes du retard.

Pourtant la Cour de Cassation a cassé l’arrêt de l’arrêt de la Cour d’Appel qui avait considéré, à juste titre selon nous, ces manquements comme constitutifs d’une faute lourde et écarté le jeu du plafond d’indemnisation.

Au regard de ces trois exemples récents, la notion de faute lourde du transporteur semble toujours loin d’être clairement définie. Le contentieux en la matière n’est donc pas prêt de se tarir.

(Publié le 4/11/05 par Pierre FERNANDEZ, Avocat à la Cour)


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24 octobre 2005 1 24 /10 /octobre /2005 00:00

Le trouble anormal de voisinage, qui est une création de la jurisprudence, est une parfaite illustration du principe selon lequel : « les droits de chacun s’arrêtent là où commencent ceux d’autrui ».

Ainsi quand un propriétaire, par l’usage qu’il fait de son immeuble, est, pour les propriétés voisines, une source d’inconvénients (ex. : odeurs pestilentielles, bruits, restrictions de vues, etc…) qui excèdent ce qu’il est d’usage de supporter entre voisins, il en doit réparation.

Le voisin mécontent peut alors de saisir le juge afin d’obtenir la cessation du trouble et d’éventuels dommages-intérêts en réparation du préjudice que ce trouble lui a causé.

En droit, le trouble anormal de voisinage se distingue de la responsabilité civile classique en ce que le demandeur n’a pas à rapporter la preuve d’une faute caractérisée de son voisin : ce dernier peut en effet engager sa responsabilité alors, par exemple, qu’il est parfaitement en règle au regard du droit de l’urbanisme ou des textes gouvernant l’activité à l’origine du trouble.

Le juge doit uniquement rechercher si, même en l’absence de toute faute, le trouble critiqué ne dépasse pas la mesure de ce qu’il est d’usage de supporter entre voisins.

Un intéressant arrêt de la Cour de Cassation en date du 24 février 2005 (n°04-10362), vient poser une autre distinction très nette entre la responsabilité traditionnelle et celle découlant du trouble anormal de voisinage.

Dans l’affaire dont la Cour était saisie, il était reproché au propriétaire d’un terrain d’entreposer des meules de paille en limite de son terrain et à proximité de la maison d’habitation du plaignant.

Selon ce dernier, les meules en question particulièrement inflammables faisaient courir à sa maison un risque d’incendie constitutif d’un trouble anormal de voisinage.

La Cour valide ce raisonnement et confirme l’arrêt de la cour d’appel qui avait ordonné la suppression du stock de paille. Selon la Haute Cour, le seul risque de dommage suffit à caractériser un trouble anormal de voisinage. 

Il s’agit là d’une nouvelle différence essentielle avec la responsabilité civile traditionnelle qui permet de réparer uniquement le dommage déjà survenu et non le dommage simplement éventuel.

Le trouble anormal de voisinage peut donc désormais être utilisé de manière préventive ce dont on ne peut que se réjouir, mais le juge devra redoubler de vigilance et faire le tri, au cas par cas, entre le risque dommageable et l’action abusive du voisin…

(Publié le 24/10/05 par Pierre FERNANDEZ, Avocat à la Cour)


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17 octobre 2005 1 17 /10 /octobre /2005 00:00

Un des grands principes du droit civil est celui aux termes duquel il n’y a « pas de nullité sans texte ». Un juge ne peut ainsi théoriquement pas ordonner la nullité d’un acte juridique, si ce dernier ne viole aucune disposition légale sanctionnée par la nullité. Il faut que la nullité soit prévue par un texte.

Mais ce principe connaît une importante exception qu’est venue rappeler la Cour de Cassation dans un arrêt du 7 décembre 2004 (Civ.1ère n°01-11823) : il ne s’applique pas en droit des contrats.

Ainsi un acquéreur de meubles a pu obtenir la nullité de la vente un invoquant le non respect par le vendeur d’une disposition relative à l’étiquetage des biens vendus, alors pourtant qu’aucun texte ne sanctionnait de nullité la violation desdites règles.

Dans sa décision la Cour constate que la disposition sur l’étiquetage, sanctionnée pénalement, est d’ordre public. Elle fonde ensuite sa décision sur l’article 6 du code civil qui dispose que l’« on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs. »

A suivre la Cour de cassation, cela signifierait qu’en matière contractuelle toute violation d’une règle d’ordre public pourrait entraîner la nullité de l’acte en cause. Cela n’est malheureusement pas si simple…

Cette automaticité de la nullité pour violation d’une règle d'ordre public a déjà été retenue en matière de droit de la consommation. (Civ. 1ère 7 octobre 1998 n°96-17829). En revanche la Cour de Cassation refuse la nullité « automatique » de contrats de franchise pour non respect des dispositions d’ordre public de la loi DOUBIN sans preuve du vice du consentement du franchisé. (Com.10 février 1998 n°95-21906 ; Com.24 septembre 2003)

Y aurait-il deux types d’ordre public de protection ? La question est posée mais dénote en elle-même de l’insécurité juridique qui résulte de la position finalement peu claire de notre Haute Juridiction.

(Publié le 17/10/05 par Pierre FERNANDEZ, Avocat à la Cour)


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