La loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, dite loi ENL est venu apporter une nouvelle pierre à l'édifice de la récurrente question des frais que le syndic peut facturer directement au copropriétaire défaillant dans le paiement de ses charges de copropriété, ainsi qu'en cas de vente de lot de copropriété.
Pour mémoire cette question avait fait l'objet des deux articles suivants :
- « Les frais de recouvrement de charges de copropriété n'ont pas fini d'être source de débats »
Si la loi du 13 juillet 2006 ne remet pas vraiment en cause notre première chronique, en revanche les solutions évoquées dans la seconde s'avèrent aujourd'hui obsolètes.
Frais de recouvrement :
Comme on l'avait précisé, l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa rédaction issue de la loi du 13 décembre 2000 disposait que contrairement aux charges générales réparties entre tous les copropriétaires au prorata de leurs tantièmes de copropriété, les « frais nécessaires exposés par le syndicat, à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire, sont imputables à ce seul copropriétaire ».
Malgré la volonté du législateur, l'application de ce texte par jurisprudence ne permettait pas d'aboutir à la récupération de l'ensemble des frais réellement exposés sur le copropriétaire défaillant et la collectivité des copropriétaires continuait de devoir supporter la carence d'un seul.
Seul le juge pouvait autoriser à facturer les frais dits « nécessaires » et la Cour d'appel de PARIS interprétait de manière restrictive cette notion pour éviter que des frais non indispensables ou disproportionnés par rapport au montant de la dette ne soit imputés au copropriétaire débiteur.
Venant au secours des copropriétés, le législateur est intervenu de nouveau, dans le courant de l'été 2006, pour donner une liste plus complète, mais nullement limitative, des frais que les juges doivent considérer comme nécessaires au recouvrement de la créance du copropriétaire défaillant.
Mais le législateur est allé plus loin.
Désormais, le syndic pourra donc imputer au compte individuel du copropriétaire défaillant, les frais exposés par le syndicat pour le recouvrement de ses créances, même si aucune disposition spéciale en se sens ne figurait dans le règlement de copropriété ou n'avait été votée en assemblée générale.
Le nouvel article 10-1 est ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 10, sont imputables au seul copropriétaire concerné :
Les frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d'hypothèque à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire ainsi que les droits et émoluments des actes des huissiers de justice et le droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du débiteur ; »
Si l'imputation est contestée, le copropriétaire débiteur devra alors saisir le tribunal pour remettre en cause le bien fondé de la créance de la copropriété et/ou le caractère nécessaire des frais qui lui sont imputés.
Frais de mutations :
Le législateur est également revenu sur la solution jurisprudentielle qui consistait à écarter les frais de mutation prévus au contrat de syndic puisque, le copropriétaire vendeur n'y était pas partie.
Il fallait que le règlement de copropriété ou une délibération de l'assemblée ait autorisé la facturation du copropriétaire, pour qu'il en soit redevable.
La loi ENL met un terme à la discussion en ajoutant un nouvel alinéa à l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 aux termes duquel :
« Sont imputables au seul copropriétaire concerné... les honoraires du syndic afférents aux prestations qu'il doit effectuer pour l'établissement de l'état daté à l'occasion de la mutation à titre onéreux d'un lot ou d'une fraction de lot ».
Par propriétaire concerné, il faut comprendre le copropriétaire vendeur d'un lot de copropriété qui doit fournir l'état daté prévu à l'article 5 du décret du 17 mars 1967 lors de la vente de son lot.
Grâce à ces nouvelles dispositions, la collectivité des copropriétaires se trouve enfin assurée de ne pas avoir à supporter les frais imputables à un copropriétaire donné, celui-ci ayant toujours la possibilité de saisir le juge en cas de doute ou d'abus.
(Publié le 15 novembre 2006 par Elisette ALVES, Avocat à Paris)